Les recours visant le respect des lois environnementales à la portée des citoyens : l'émergence d'une autorité de contrôle sociétale
Christine Duchaine
Cabinet Juridique Sodavex
2007
1. INTRODUCTION
Lors de l'entrée en vigueur de la Loi sur la qualité de l'environnement1 (ci-après la « L.Q.E. ») en décembre 1972, les entreprises et les citoyens du Québec se préoccupaient peu des impacts de leurs activités sur l'environnement, la pérennité de celui-ci, de même que sa capacité d'absorber ces impacts étant tout simplement présumée par tous. D'ailleurs, les interventions possibles en vertu de la première mouture de la L.Q.E. étaient fort limitées. Avec le passage du temps, nous avons assisté à une évolution marquée, tant en ce qui a trait à l'intérêt de la société à la préservation de leur environnement, qu'à la volonté des citoyens de jouer un rôle actif à cet égard. Il fallut toutefois attendre plusieurs années avant que celle-ci soit modifiée afin de prévoir la possibilité pour les citoyens de s'impliquer, que ce soit au niveau de l'analyse des projets requérant une autorisation ou de l'institution de procédures visant à s'assurer du respect de la L.Q.E.
Ainsi, la société québécoise qui, il y a moins de 40 ans, était indifférente au concept de qualité de l'environnement en a fait depuis un enjeu prioritaire, de telle sorte qu'il en va maintenant de la survie des partis politiques et des entreprises de partager cette préoccupation, ces derniers ne devant plus montrer patte blanche, mais plutôt « patte verte » pour gagner la faveur de leur électorat ou de leur clientèle.
Les citoyens se sentent interpellés par les répercussions environnementales des diverses facettes de la société actuelle et ils n'hésitent plus à tirer avantage de toutes les plates-formes qui leur sont offertes afin de faire valoir leurs opinions et tenter ainsi d'influencer les entreprises et l'autorité gouvernementale sur leurs façons de faire.
La mise en application du protocole de Kyoto, la construction de la ligne électrique Hertel-des-Cantons ou de la centrale du Suroît, la privatisation du mont Orford, le prolongement de l'autoroute 25, la déviation de la rivière Rupert sont autant d'exemples ayant donné lieu à des débats environnementaux au Québec. Ces débats trouvent des échos à l'Assemblée nationale, dans les rues au moment des marches de protestation, dans les médias et de plus en plus souvent devant les tribunaux.
L'implication des citoyens est devenue incontournable, de sorte que les instances politiques et les entreprises doivent maintenant tenir compte de cette réalité dans la gestion de leurs activités.
Mus par leur insatisfaction devant la lenteur des autorités et le laxisme de certaines entreprises, les citoyens se sentent maintenant investis de la responsabilité d'assurer la protection de l'environnement et n'hésitent plus à s'approprier des recours juridiques qui étaient auparavant l'apanage des autorités chargées de l'application des lois.
Ainsi, malgré que la Cour d'appel dans le récent jugement de Ciment du Saint-Laurent c. Barrette ait précisé que « [l]a protection de l'environnement est un sujet de préoccupation sociale qui interpelle l'État en premier chef »2, les dernières années nous démontrent que les citoyens ont fait appel avec succès à divers recours pour veiller à la protection de l'environnement. Ceci leur a notamment permis d'obliger des corporations avec et sans but lucratif, des personnes physiques, des associations syndicales, des cités et villes et des organismes publics, à respecter la législation et même de forcer les autorités gouvernementales à prendre les mesures nécessaires pour faire respecter la législation.
L'objectif du présent article est d'identifier les diverses tribunes et différents recours mis à la disposition des citoyens québécois et de décrire brièvement les conditions d'exercice de ces pouvoirs d'intervention. Nous tenterons également d'analyser les impacts des interventions récentes sur les entreprises et l'autorité gouvernementale, de même que la réponse qu'elles offrent à l'activisme juridique émergent des citoyens.
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